Vers la Méditerrannée... 3 Voiliers, plus de 3500 miles à parcourir, un périple de 8 mois

Un départ de Lorient-Locmiquélic en octobre 2018 pour une arrivée sur La Ciotat mi-mai, 7 escales d’une vingtaine de jours programmées en Espagne, au Maroc, en Tunisie, en Sicile, en Grèce et en France.

Un échantillon de Méditerranée, lieu mythique chargé de légendes et de croyances ; immensité indomptable, miroir des enjeux qui traversent notre époque.

A bord, 15 marins artistes aux profils et aux univers très variés.

Âgés de 20 à 43 ans, leurs parcours souvent atypiques ont été rythmés par des formations dans des domaines aussi variés que la danse, les arts du cirque, l’éducation spécialisée, la marine, la cuisine, l’école de la rue et nourris par leurs expériences au sein de nombreux projets collectifs sur les océans ou sur la terre ferme.

Au départ de cette aventure, tous ne se connaissent pas encore ; peu à peu, par la parole, par le travail autour du corps, au travers des tumultes et des creux de 5 mètres, ils vont se découvrir et s’apprivoiser.

Festina Lente Méditerranée 2018/2019 est, après l’édition 2016/2017 et l’Armada 2013, la troisième aventure humaine « expérimentale » d’artistes/marins embarqués plusieurs mois à bord d’une flottille de voiliers, portée par l’association Artquipage.

Notre Équipée Fantastique

  • Thibault : capitaine, cuisinier, photographe,
  • Guillaume : marin, régisseur son, danseur,
  • Malo : batteur/percussionniste, technicien,
  • Lili : marin, vidéaste, batteuse/percussionniste,
  • Francky : musicien multi-instrumentiste, compositeur,
  • Sabrina : marin, circassienne/danseuse, tubiste,
  • Ambroise : musicien, circassien,
  • Arthur : circassien, constructeur,
  • Anna : danseuse
  • Nina : circassienne, musicienne,
  • Micka : animateur/éducateur, musicien,
  • Germinal : capitaine, constructeur, cuisinier,
  • Aurél’ : marin, dessinatrice/paysagiste,
  • Juliette : capitaine, danseuse, chorégraphe,
  • Yvon: marin, photographe et vidéaste argentique, éducateur,

Les invités… Sur chaque escale, des compagnons artistes,
artisans et/ou penseurs viendront nous soutenir et nous nourrir
par leurs pratiques dans la mise en place de nos projets,
nos rencontres et notre travail avec les Associations et Collectifs locaux.

Naissance de Festina Lente Méditerranée

Cette nouvelle aventure trottait depuis un bon petit moment dans le fin fond de nos hémisphères nord. Une ou deux personnes y pensaient déjà depuis que leurs pieds avaient retouchés l’hexagone à l’été 2017, à leur retour de la première édition de Festina Lente. Cette envie de repartir a vraiment été formulée et actée en janvier durant l’AG de notre Association Artquipage à Crest. Une AG où l’horizon était entrecoupé de vagues crêtes blanches, au cœur des montagnes de la Drôme. Ces marins, le visage encore salé, les mains cornés et l’esprit encore sur le pont, échoués dans le creux d’une vallée, à parler d’avenir et d’escales futures. Les idées elles, n’étaient pas à sec ! Chacun avait déjà son plan de route tout tracé, ses points de latitudes et de longitudes entrées dans sa carte de navigation intérieure. Tour à tour, chacun a pu faire part de ses envies pour les mois et années à venir : certains ne repartiraient pas ou pas tout de suite, pour d’autres, cela se ferait en roulotte, pour d’autres plus lentement ou avec un collectif plus réduit,… Parmi les aventuriers de l’édition précédente, une partie a décidé de reprendre ses études, de se professionnaliser dans un domaine artistique esquissé ou approfondi durant Festina Lente 2016-2017. Pour une poignée, l’envie était de s’installer pour se construire un petit univers féérique bien à eux, bien à terre. Pour les autres, l’aventure sur les flots continuerait dès l’automne 2018.

Pour ce projet 2018-2019, nous avons évoqué et rêvé du Cap Vert et du Sénégal, d’une Transatlantique, du Brésil,… Les images ont défilé dans chacune de nos têtes de globicéphales : les creux de 6 mètres, les nuits à somnoler en barrant, des représentations sans fins avec des funambules déséquilibrés, l’envie de voler à nouveau entre les mâts, les rencontres avec les artistes locaux, les ateliers dans les écoles… Un noyau était là pour cette nouvelle aventure ! Depuis, il germe ! Nous voulions naviguer mais cela ne devait pas être une fin en soi ! Nous voulions des rencontres, des contre-pieds, des surprises, aller voir ce que d’autres artistes et associatifs réalisent ailleurs ! Rapidement, nous avons penché pour la Méditerranée, cette grosse piscine pleine de plastique où selon le côté duquel on naît, rien n’est vraiment pareil !

Nous souhaitions également que cette aventure ne soit pas la copie conforme du précédent Festina Lente mais une épopée bien à part, dans des pays et contextes bien à part ; de nouvelles personnes nous ont donc rejoints avec des regards, des approches et des idées bien à elles sur ce que peut être un « projet » tel que celui-ci !

Notre Profession de Foie qui vient du ventre

Nous ne partons pas pour transmettre, soutenir, épauler, appuyer, étayer, émerveiller. Nous partons, c’est tout ! Nous ne fuyons rien mais quittons notre quotidien, nos compas aimantés vers les pays voisins, ceux de l’autre côté de la paradisiaque Mer Méditerranée. Nous ne voulons pas renchérir autour de la thématique des migrants, ni sur celle des frontières, ni même parler de religion, encore moins de dictature, surtout pas de la Françafrique ou de la condition de la femme au Maghreb, aucunement de la colonisation, des gens qui sont parqués en périphérie de l’Europe et pas le moins du monde des peuples ruinés par les banques. Nous n’en parlerons pas ! Promis !

Sauf peut-être si on nous y incite, qu’on nous y invite dans une association d’un quartier reculé de Tunis, au coin d’une rue du Caire, sur le marché d’une petite île des Cyclades, au fond d’une ONG au cœur de la Crête ou sur les plages du sud de la Sicile. Il n’y a pas parmi nous de Doctorant en Sciences Politiques, d’Agrégé en Histoire des Civilisations, de Médecin Généraliste ou de Sauveteur en Mer ; nos cales seront pleines de peinture, de tissus, de micros et d’éclairages, de costumes, d’instruments de musiques, de batteries de cuisine, de maquillage, de perruques, de machines à pop-corn, d’appareils photographiques, de livres, de paillettes et de bric à brac…

« Si l’on sait qu’on ne sait pas, si l’on est attentif à ce que l’on ne connait pas, si l’on guette ce qui apparait comme inconnu, c’est alors qu’une découverte est possible »

Pierre Soulage

« Quand il ne peut plus lutter contre le vent et la mer pour poursuivre sa route, il y a deux allures que peut encore prendre un voilier : la cape (le foc bordé à contre et la barre dessous) le soumet à la dérive du vent et de la mer, et la fuite devant la tempête en épaulant la lame sur l’arrière avec un minimum de toile. La fuite reste souvent, loin des côtes, la seule façon de sauver le bateau et son équipage. Elle permet aussi de découvrir des rivages inconnus qui surgiront à l’horizon des calmes retrouvés. Rivages inconnus qu’ignoreront toujours ceux qui ont la chance apparente de pouvoir suivre la route des cargos et des tankers, la route sans imprévu imposée par les compagnies de transport maritime.

Vous connaissez sans doute un voilier nommé « Désir ». »

Henri Laborit, Préface Eloge de la fuite.

Nous ne savons rien mais nous voulons beaucoup…car rien n’est écrit !

La matière première est là dans nos manches, dans nos bouches, dans nos tocs, nos rigidités, nos limites, nos frontières mentales, nos peurs du trop vide ou du trop plein, dans nos chûtes, dans notre innocence, notre naïveté, notre envie de jouer, d’investir la rue et l’espace public… Nous n’avons rien à vendre de vraiment défini car tout est loin d’être écrit ! Nos spectacles, interventions de rue, ateliers et déambulations vont se construire au gré de nos escales, de nos résidences artistiques, de nos rencontres, des histoires de vie, des leviers et des résistances.

Nous faisons le pari de prendre le temps d’adapter sans cesse nos propositions artistiques et les déconstruire selon les pays, en même temps que nos représentations et nos stéréotypes se délitent. Nous prenons le pari d’accepter de recommencer à chaque escale et faire des demis tours quand nos hôtes, qu’ils soient militants humanitaires, habitants, professeurs, artistes locaux ou invités viennent bouger nos lignes. Nos seules certitudes vont à nos compétences… Qu’est-ce que nous savons faire ? Rien de réellement défini ni définissable ! Nous sommes protéiformes, difformes, mal-formés, déformables,… Un cirque de freaks aux pouvoirs innombrables ! Une cour des miracles courant sur les flots, ramant vers un ailleurs. Nous avons plusieurs tentacules, des hémisphères nord, sud, est et ouest qui ne demandent qu’à être déboussolés, les globes grands ouverts et des mains courantes et cornées ! Nous sommes circassiens, funambules, marins, photographes, danseurs, vidéastes, cuistots, graveurs, musiciens, compositeurs, acteurs, clowns,… Une force de proposition infinie !

« C’est ce que je fais qui m’apprend ce que je cherche »
Pierre Soulage

Cette notion de Projet, reprise à tort et à travers ne nous correspond pas réellement dans son caractère déterministe et par ce qu’elle implique de projections figées, d’objectifs à atteindre, de contraintes pré-existantes. Pourquoi commencer à fermer nos champs de visions, nos yeux n’ont encore rien vu ?

Nos envies, nos balbutiements, nos doutes et nos frêles projections parlent plutôt d’expérimentation, d’élaboration, de terrains en friches, de portes à ouvrir, de possibles… Nous avons assez confiance en nos fibres écologique, humaniste et maritime pour ne pas avoir besoin de le crier haut et fort ; en nos compétences pour croire en la qualité et en l’ambition de nos propositions artistiques ! Nos valeurs sont là ; nous n’avons nullement besoin d’en faire un slogan, une devanture ou une marque de fabrique, d’autant plus que certaines ONG, associations, militants le font mieux que nous. Nous voulons aller vers eux sans nous imposer, juste apporter ce que nous avons la prétention de savoir faire. Le savoir-faire nous en avons maintenant par nos multiples expériences personnelles mais aussi par le précédent projet qui fut le nôtre : festina lente 2016-2017. Cette future aventure n’est pas une suite, un épisode II, juste un chemin emprunté parmi la multitude que ce précédent a ouvert devant nous.

Nos certitudes : des collaborations inattendues avec des artistes du crû, des impros dansées avec les résidents d’une maison de retraite, un échange tendu entre les pro-coriandre et les ultra-basilic, des histoires d’humour, des seaux d’eau venus du ciel, des blagues toujours géniales, un des voiliers où la bouffe est toujours dégueulasse, la relecture du Vieil Homme et la Mer, des tentatives d’expliquer ce que sont des routes surfaces et des routes fonds, le droit de se travestir à toute heure, des bancs de dauphins nous escortant jusqu’au port, des matelots allergiques à ¾ des produits de consommation embarqués, des couchés de soleil à nous clouer le bec, des nuits trop courtes, des rencontres humaines remarquables, des idées loufoques, un voilier toujours à la traîne, des potées mangées à 4 heures du matin, des débats sans fin pour savoir si Rabat est sur la même latitude que Tunis, la relecture de Moby Dick, des heures à essayer de se sortir une chanson de la tête attrapée à la dernière escale, des heures à méditer sur les us et coutumes des habitants d’un petit port, des incompréhensions de langage débouchant sur une improvisation musicale, des invitations dans les ateliers des artistes locaux, …